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Les dispositifs des mairies pour lutter contre les déserts médicaux

La problématique de l’accès aux soins pour tous les Français de métropole et des DOM TOM, associée à celle de la désertification médicale, est devenue hélas structurelle dans le paysage de la santé en France. Depuis environ une dizaine d’années, le manque chronique de médecins passe d’une problématique conjoncturelle à un état de fait.

Tout d’abord, une tentative d’explication de la mise en place du phénomène de désertification médicale en France a été proposée par une étude complète de la démographie de la population générale, des professionnels de santé, en particulier des médecins. L’établissement de la répartition nationale des professionnels de santé avec une pyramide d’âges et un sex ratio est réalisé en corrélation avec la répartition de la population française et de ses besoins. Cette étude permet aux maires d’adapter les aides pour simplifier la vie de leur commune, après avoir analysé le comportement de celles-ci.

Des groupes de territoires en désertification médicale

La méthodologie de cette étude définit six groupes de territoires de déserts médicaux de comportement et de situations socio-économiques différentes. (ref. Guillaume Chevillard, Julien Mousquès. Accessibilité aux soins et attractivité territoriale : proposition d’une typologie des territoires de vie français)

  • Espaces périurbains, avec une moindre accessibilité aux soins primaires (généralistes), caractérisés par une population plutôt jeune, en forte croissance, un taux d’emploi élevé, un état de santé dans la moyenne nationale.
  • Marges des milieux ruraux, peu attractives, aux populations fragiles (état de santé, revenus, personnes âgées, etc), une moindre offre de soins primaires (généralistes, infirmières, etc) et un fort niveau d’enclavement (distances aux centres de santé et aux grands pôles urbains et de services supérieures à la moyenne). Elles existent dans toutes les régions, mais surtout dans le centre de la France.
  • Espaces de tourisme et de retraite relativement bien dotées en offre de soins et attractifs. Ils se situent principalement dans la moitié sud de la France, sur les littoraux, dans les massifs alpins, corses et pyrénéens.
  • Espaces urbains ou zones rurales défavorisés aux plans socio-économiques et sanitaires. Ils sont principalement situés dans le nord-est de la France autour de villes petites et moyennes ou d’anciens bassins miniers fortement peuplés.
  • Villes centres, hétérogènes socio-économiquement (par exemple, co-existence de populations fragiles et de populations jeunes avec un bon niveau d’éducation) et à l’offre de soins abondante. La plupart sont situées au cœur des métropoles ou dans les préfectures régionales et départementales.
  • Villes et couronnes périurbaines favorisées. Ce sont surtout des villes favorisées ou les banlieues des principales métropoles régionales.

Les communes sous-dotées en médecins très en demande

On note toutefois que les politiques publiques d’accès aux soins proposent des études plus fines des différences socio-sanitaires infra-communales invitant les maires à prendre des initiatives locales. Plusieurs maires ont relevé le défi pour attirer des médecins (remplaçants dans un premier temps à visée d’installation), en particulier dans les communes à fort risque de désertification médicale. Les médecins en fin de carrière lancent des appels à l’aide pour trouver des successeurs et les médecins jeunes thésés installés rechignent à s’installer seuls et recherchent des collaborations, soit avec des médecins de leur spécialité, soit avec des médecins de spécialités différentes pour former un groupement. Ils demandent également la participation d’infirmiers et de secrétaires pour compléter leurs activités et travailler dans des conditions idéales.

Les maires des communes de moins de 10.000 habitants ont fait 3 constats interdépendants :

  • Le premier est qu’il faut créer une dynamique de l’installation locale. Et cela concerne tous les secteurs d’activité !
  • Le deuxième est la réticence à l’installation de nouveaux habitants ne parvenant pas à trouver un médecin traitant près de chez eux.
  • Le troisième, plus positif, est la recherche d’une qualité de vie qui semble initier un mouvement des jeunes praticiens de la ville vers les zones offrant une belle qualité de vie.

Certains maires ont bien compris ces problématiques de désertification médicale, et proposent différents niveaux d’aide à l’installation de médecins dans leur commune.

Le porte-parole de l’intersyndicale des internes en médecine générale Isnard-MG, le docteur Stéphane Bouxom déclare que ce qui est décisif pour l’installation d’un jeune généraliste est la qualité du projet médical et le cadre de vie.

« Un jeune médecin n’ira pas dans une maison de santé même avec un loyer gratuit s’il se trouve isolé sans pouvoir bâtir un projet pluridisciplinaire. Ensuite, les conditions de vie sont importantes aussi : l’école pour les enfants, les possibilités de travail pour le conjoint ou la conjointe… »

Le président de la CSMF, le Dr Jean-Paul Ortiz, surenchérit avec un état des lieux de la couverture numérique : « La disparition de la fracture numérique réglera le problème de la désertification médicale. Les nouvelles technologies réduisent les distances et les délais, même si rien ne peut remplacer le dialogue direct entre un patient et son médecin. »
D’autre part, il estime que « l’installation dans une zone isolée doit être facilitée pour le médecin et pour sa famille, comprenant la recherche de travail pour le conjoint conjointe, la scolarisation, le logement etc. ».

Les maires des zones fragiles ont bien entendu les propositions et mettre en place différents niveaux d’aide pour attirer les médecins dans leur commune.

Regroupement de médecins dans des maisons de santé

Les maisons de santé pluri-professionnelles sont un pilier du plan santé 2020 du plan gouvernemental Santé 2020-2022. Ces structures emploient des assistants médicaux et des médecins dans les maisons médicales. L’activité des médecins est soit salariale, soit libérale avec un fixe prévu par les maires pendant les premières années d’exercice professionnel. Le regroupement de professionnels dans des maisons de santé se rapproche des groupements scolaires intercommunaux mis en place dans le secteur de l’éducation. Certaines communes proposent de salarier un médecin, de la même façon que certains territoires salarient des producteurs agricoles.

L’arrivée de médecin sur un territoire en désertification médicale est un fort facteur d’attractivité et redonne confiance à la population locale.

Certains maires proposent un coup de pouce pour s’équiper; à l’installation n’ont pas en outils bureautique, en informatique, ou même en matériel médical.

« Il n’est pas question que la mairie subventionne l’installation des médecins, mais nous pourrions leur proposer une aide que les médecins devront ensuite rembourser »

Le Dr Bouxom, président de ISNAR IMG est bien d’accord.

« Là encore, nous ne demandons pas des loyers gratuits à vie. Mais cela peut être utile d’aider des internes durant leur cursus ou leur installation. Un moment très important est le stage de six mois que nous faisons dans des cabinets de médecine générale. À ce moment-là, il peut être utile que la commune aide l’interne en médecine à trouver un logement sur place. Comme on change régulièrement de lieu de stage, on garde en général notre appartement dans notre ville de faculté de médecine. Et il n’est pas toujours facile de devoir financer un deuxième logement. »

Cabinets secondaires

Dans les zones plus faiblement peuplées, ou le nombre de consultation est inférieur à 10 par jour, les maires mettent en place des cabinets secondaires avec une activité mixte, dans les maisons de santé pluridisciplinaire et une activité privée. La compensation financière est attractive pour les médecins, il peut permettre une certaine liberté d’installation sur des environs de 20 km. L’association des maires de zones rurales de France souligne le succès de cette activité mixte, voire sur deux communes. Les médecins peuvent ainsi organiser plus librement leurs journées et cela permet un rapprochement de l’accès aux médecins sur plusieurs communes.

Aides financières accordées aux médecins lors de leur installation

Des mesures incitatives à l’installation en zone déficitaire sont poussées par les Agences Régionales de Santé (ARS – Agence régionale de santé) proposant des aides de l’Etat : les dispositifs de praticien territorial de médecine générale et ambulatoire (PTMG et PTMA), les aides conventionnelles de l’assurance maladie : le contrat d’aide à l’installation des médecins (CAIM), les aides fiscales et les aides de la Région.

Le CAIM est une aide financière accordée une seule fois et versée aux médecins en 2 fois: 50% dès l’installation en zone fragile et 50% après 1 an. Elle vise à aider à faire face aux frais d’investissement liés au début de l’activité (locaux, équipements, charges diverses…). Une aide forfaitaire de 50 000 € est octroyée pour une activité de 4 jours par semaine. Cette aide est versée en deux fois : % à la signature du contrat, 50% un an plus tard, à la date anniversaire du contrat. Le contrat de stabilisation et de coordinations des médecins (Coscom) Il s’agit d’un contrat de 3 ans avec tacite reconduction. Une aide forfaitaire annuelle de 5 000 € est accordée, à laquelle peuvent s’ajouter :

  • une majoration de 1 250 € par an si une partie de l’activité en libéral a été effectuée au sein d’un hôpital de proximité ;
  • une rémunération complémentaire de 300 € par mois pour l’accueil d’un stagiaire à temps plein (stagiaires internes de niveau 1 et externes) : rémunération proratisée si le stagiaire est accueilli à temps partiel.
  • le contrat de transition (Cotram) : ce contrat a pour objet de soutenir les médecins qui exercent dans les zones « sous-denses » et préparent leur cessation d’activité en accueillant et accompagnant un médecin nouvellement installé dans leur cabinet.

(Contacter l’ARS Vendée pour plus d’informations)

Le zonage comme indice de repérage de la désertification médicale

Tout l’enjeu pour les maires est d’obtenir un avis favorable de la Commission Régionale Santé Autonomie (CRSA) et de l’Union Régionale des Professionnels de santé des médecins (URPS), pour obtenir un arrêté des nouvelles zones caractérisées par une offre de soins de proximité insuffisante.

Afin de favoriser l’installation de médecins généralistes libéraux dans les zones en désertification médicale (dites « sous-denses »), l’ARS repère les territoires fragilisés par une offre de soins insuffisante ou par des difficultés d’accès aux soins : c’est le zonage. En plus de renforcer les moyens dédiés aux médecins (aides à l’installation, aides au maintien, aides fiscales), cette cartographie permet d’identifier les zones où ces mesures d’aide seront mobilisées.

Le zonage permet de s’inscrire dans le nouveau plan de la Ministre de la Santé de renforcement de l’accès territorial aux soins et d’accentuer les moyens dédiés pour améliorer la démographie médicale et l’accès aux soins dans la région. Cette cartographie permet d’identifier des zones ou des mesures d’urgence et d’aide seront mobilisées. En pratique, grâce au nouveau zonage, les médecins voulant s’installer dans la région identifient les territoires considérés en désertification médicale et pourront ainsi bénéficier d’un accompagnement régional renforcé. Le levier régional du plan national pour le renforcement de l’accès aux soins, avec la mise en place de ce nouveau zonage, constitue une aide à l’installation des jeunes médecins.

Les maires déclarent leur commune en zone de déficit de soins, permettant ainsi d’accroître la présence médicale et soignante, en même temps d’accélérer la révolution numérique en santé pour favoriser une meilleure organisation des professionnels de santé sur le territoire.

La télémédecine pour sortir de l’isolement

Par ailleurs, pour assurer une continuité des soins, les médecins doivent être disponibles « l’ensemble des jours de la semaine, de 8 heures à 20 heures, et le samedi matin », ce qui revient à exercer 64 heures par semaine. « Comment couvrir de telles amplitudes ? », s’interroge le docteur Ortiz. Dès lors, pour répondre aux besoins de la population tout en évitant l’épuisement, il faut encourager « le regroupement des médecins », qu’il soit physique ou fonctionnel.

Les maires des communes sont également des patients potentiels et s’investissent dans leur système de soin. Les solutions proposées par la télémédecine, comme moyen de lutte contre la désertification médicale, sont devenues multiples et gagnent en efficacité. Certains permettent d’optimiser le temps expert par une offre de soins et une organisation de télésanté entre hôpitaux, et par un compagnonnage aux médecins non spécialistes et aux internes ou au personnel soignant pour utiliser une technique diagnostique peu invasive avec l’aide d’un kiosque mobile pour spécialiste ou d’un cabinet virtuel de consultation. L’engagement des patients dans l’innovation auprès de leur ville montre un pourcentage de satisfaction encourageant. Dans le cas de pathologie aigüe, la mise ne place d’un réseau de pathologie urgente (AVC, IDM) donne une possibilité de sortir de l’isolement toute structure de soins et rassure les médecins seuls dans leur établissement. Ces solutions ouvrent des perspectives encourageantes de prise en charge optimales des pathologies aigües et graves. Le corps soignant est motivé et gratifié par les résultats sur la survie des patients et la qualité des soins procurés, les patients bénéficient d’outils innovants et la prévention est poursuivie à domicile.

La mise en place de télésurveillance qui permet le maintien à domicile de patients âgés atteints de pathologies chroniques et diminue donc le recours à l’hospitalisation. Enfin la télé expertise qui consiste à solliciter un médecin expert pour les pathologies rares.

L’espoir de fédérer des territoires ruraux est permis. Elle ouvre des perspectives et des solutions pour sortir de l’isolement les médecins en territoires oubliés, par des réseaux d’experts de pathologies aigues, jusqu’à une plateforme territoriale avec intelligence artificielle embarquée. Le maillage intelligent des territoires et le respect des intervenants vont rehumaniser la médecine. En ayant toujours à l’esprit que la technique est au service de l’humain.

Pour conclure, les maires s’investissent totalement pour endiguer la désertification médicale et rechercher des médecins à installer dans leur commune, aussi bien par leurs propositions d’aides financières à l’échelle communale et régionale que par des ouvertures vers des idées innovantes organisationnelles et techniques. Ils préparent un accueil bienveillant aux nouveaux venus et à leur famille en mettant en place des dispositifs attractifs.

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