sourds et malentendants

Surdité et désert médical : la double fracture du soin

En France, près de 10 millions de personnes, soit 16 % de la population, vivent avec des troubles de l’audition. On estime à environ 7 millions le nombre de personnes sourdes ou malentendantes dont 500 000 atteintes d’une surdité sévère. Parallèlement, jusqu’à 8 millions de Français vivent dans un désert médical, et 83 % rencontrent des difficultés d’accès à un médecin généraliste, un pédiatre, un gynécologue ou un ORL.

Ces deux réalités créent une situation critique pour les personnes sourdes et malentendantes, notamment dans les zones sous-dotées. Derrière ce handicap invisible, c’est tout un parcours de soins qui se complique : prise en charge retardée, incompréhensions, renoncements. Quand la communication devient un obstacle, l’accès aux soins ne semble plus un droit garanti… 

Quelles sont les solutions pour permettre aux patients sourds et malentendants d’être rassurés et accéder à des soins de qualité ? 

À l’occasion de la Journée internationale des langues des signes, le 23 septembre, DOCNDOC souhaite rappeler une évidence : une santé inclusive passe aussi par l’égalité d’accès à la communication.

Webinaire LSF

Barrière linguistique et déserts médicaux : deux formes d’inégalités 

Chaque semaine, la question des déserts médicaux revient dans le débat public. Pourtant, une autre forme d’inégalité reste ignorée : celle que vivent les patients sourds et malentendants. Dans un système de santé déjà en tension, leur réalité se heurte à une double barrière : la pénurie de professionnels de santé et les obstacles de communication.

La surdité impacte profondément le quotidien des personnes concernées : isolement, difficulté d’accès à l’information, incompréhensions, et entraves dans le parcours de soins. 

Selon une enquête menée par l’association INFOSENS en 2023 « mesurer les problèmes concrets et les difficultés de communication dans le parcours de soin », 21 % des patients sourds ont déjà renoncé à se soigner, faute d’une communication possible avec les soignants.

Le handicap auditif : angle mort de la formation médicale ? 

D’après l’enquête d’INFOSENS, 76 % des professionnels de santé n’ont jamais été formés à l’accueil des personnes sourdes, bien que 83 % d’entre eux souhaitent l’être.

72 % des soignants ont déjà accueilli un patient sourd ou malentendant, mais la plupart se retrouvent à improviser une communication compréhensible.

Pour les patients sourds et malentendants, les difficultés commencent souvent dès la prise de rendez-vous. En effet, tous les professionnels de santé ne proposent pas la prise de rendez-vous via des plateformes en visioconférence avec sous-titre. Les sourds et malentendants lisent sur les lèvres . Ainsi, le téléphone est un canal inadapté pour une partie de la population. De plus, une fois sur place, les incompréhensions sont fréquentes.

La crise du Covid-19 a exacerbé les failles de la prise en charge des patients sourds et malentendants. Le port du masque a rendu la lecture labiale impossible. Des initiatives comme les masques transparents ont vu le jour, mais elles sont restées ponctuelles. La crise sanitaire a mis en lumière l’urgence de rendre la santé accessible à tous.

💡 Bon à savoir : 80 % des sourds profonds sont illettrés en français écrit, la lecture labiale ne permet de comprendre qu’un tiers des mots, et seulement 19 % des malentendants sont appareillés, dont moins de 60 % tirent un bénéfice réel de leur dispositif. (Source : beh.santepubliquefrance.fr)

D’un côté, des professionnels de santé difficilement accessibles, de l’autre, une communication compliquée. Résultat : renoncements aux soins, diagnostics tardifs, incompréhensions sur les traitements. Il serait intéressant d’intégrer la langue des signes et la sensibilisation au handicap auditif comme piliers d’une santé réellement inclusive dès les premières études de médecine, comme l’apprentissage de l’anglais médical.

Les URASS : un modèle d’inclusion pour les patients et les soignants

Créées en 1995 sous l’impulsion d’usagers sourds, les Unités régionales d’accueil et de soins pour les sourds (Urass) constituent une véritable porte d’entrée dans le système de santé pour ces patients. Présentes dans 18 établissements, principalement des CHU, elles offrent des soins adaptés. Elles permettent de prendre en compte des spécificités linguistiques et culturelles liées au handicap.

Les Urass répondent à un besoin longtemps ignoré : l’exclusion des patients sourds des circuits traditionnels de soins, souvent liée à des malentendus linguistiques, des erreurs de traitement ou un manque de sensibilisation des soignants. Elles offrent un accès direct à des consultations en langue des signes française (LSF).

Pour les patients, les bénéfices sont multiples :

  • Un accueil respectueux et compréhensif,
  • La liberté de choisir la langue de communication (LSF ou français écrit/oral),
  • Un accès facilité aux soins généralistes et spécialisés, mais aussi aux accompagnements psychologiques et médico-sociaux.

Pour les professionnels de santé, les Urass offrent un cadre sécurisé pour :

  • Travailler avec des interprètes ou soignants signeurs formés,
  • Éviter les malentendus médicaux, parfois lourds de conséquences,
  • Améliorer la qualité de la relation soignant-soigné et réduire les erreurs liées à la communication.

Les Urass réalisent plus de 20 000 consultations médicales, 10 000 consultations spécialisées, 8 000 entretiens psychologiques et 100 000 entretiens médico-sociaux. Plus de 1 000 nouveaux patients sont accueillis chaque année.

Ainsi, ces unités sont un levier concret d’égalité d’accès aux soins. Leur développement, notamment dans les zones sous-dotées apparaît comme une solution.

Former, équiper, adapter : des leviers pour une santé inclusive 

Garantir une égalité d’accès aux soins pour les personnes sourdes ou malentendantes passe par une meilleure formation des professionnels de santé à leurs besoins spécifiques. Cela implique de généraliser la sensibilisation à la surdité dans le milieu médical. 

L’accès à la télémédecine doit aussi être repensé avec des outils de communication accessibles, y compris des solutions d’intelligence artificielle adaptées. 

DOCNDOC s’engage pour sensibiliser les professionnels de santé 

Depuis 2020, en pleine crise du COVID, DOCNDOC s’est engagé activement pour améliorer l’accueil des patients sourds et malentendants. En collaboration avec Mélanie Deaf, youtubeuse et formatrice en LSF, nous organisons des initiations à la langue des signes à destination des pharmaciens, médecins et sages-femmes. Ces sessions visent à transmettre les bases de la communication en LSF et à sensibiliser les soignants aux difficultés spécifiques que rencontrent ces patients.

Au-delà de l’apprentissage, l’objectif est de susciter l’intérêt, éveiller les consciences et donner envie d’aller plus loin. Quelques gestes simples peuvent déjà transformer l’expérience d’un patient, et amorcer un parcours de soins plus inclusif et bienveillant.

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