Urologues : pénurie, féminisation et déserts médicaux

Avec près de 60 000 nouveaux cas par an, le cancer de la prostate est le cancer le plus fréquent chez l’homme en France. Il représente la troisième cause de mortalité masculine par cancer, avec environ 8 000 décès chaque année (Santé publique France). Dans ce contexte, la prévention et le dépistage sont essentiels. Pourtant, l’accès aux soins urologiques reste difficile. La France manque d’urologues et dans les déserts médicaux la pénurie s’accentue. 

Alors, où en est l’urologie en France ? À l’heure des campagnes de sensibilisation autour du cancer de la prostate, DOCNDOC dresse le portrait de cette spécialité : pénurie d’urologues, féminisation du métier et inégalités territoriales…

L’urologue : bien plus qu’un spécialiste masculin

Médecin spécialiste, l’urologue prend en charge le système urinaire (reins, vessie, uretères, urètre) chez l’homme comme chez la femme, ainsi que l’appareil génital masculin (prostate, testicules, verge). Son champ d’action couvre des pathologies variées :

  • cancers (prostate, rein, vessie),
  • calculs urinaires et coliques néphrétiques,
  • incontinences et infections urinaires,
  • troubles de l’érection, infertilité masculine.

Contrairement aux idées reçues, l’urologie n’est pas réservée aux hommes : les femmes aussi consultent pour des troubles urinaires ou des infections récurrentes. L’urologue interroge, examine, prescrit des examens, suit ses patients et peut recourir à la chirurgie.

>>> Lire l’article : Cancer du sein : la mammographie est un privilège de territoire

Combien d’urologue en France et quel mode d’exercice ? 

D’après le Conseil national de l’Ordre des médecins, au 1er janvier 2023, la France comptait 1 523 urologues, soit seulement 2,31 pour 100 000 habitants.

En 2022, ils étaient 1 496, avec une densité de 2,2 pour 100 000 habitants. Une augmentation de 17 % est attendue d’ici 2030 mais restera insuffisant pour faire face aux besoins. À titre indicatif, la France fait partie des six pays de l’Union européenne les moins bien dotés en urologues. En moyenne, chaque urologue doit couvrir les besoins de 44 444 habitants. Consulter les chiffres clés

La spécialité présente une diversité de modes d’exercice, en cabinet libéral ou au sein d’établissement de santé. 

  • 60 % des urologues exercent en libéral ou en activité mixte, combinant souvent cabinet privé et clinique privé.
  • 40 % exercent exclusivement dans le secteur hospitalier public, où ils sont salariés.
  • Une minorité (moins de 5 %) exerce en milieu universitaire avec une mission d’enseignement et de recherche. 

Environ 20 % des actes urologiques sont réalisés en ambulatoire, principalement dans des cliniques privées ou centres de santé.

Féminisation de l’urologie : une réconfortante mutation

Considérée comme l’une des spécialités médicales les moins féminisées, l’urologie connaît aujourd’hui une transformation progressive. En 2020, les femmes représentaient moins de 10 % des urologues. Le nombre de femmes choisissant cette spécialité a fortement augmenté : +23 % entre 2007 et 2016, puis +72 % entre 2016 et 2020

Une enquête menée en 2016 puis en 2020 auprès de femmes urologues a mis en lumière les spécificités de leur parcours. En 2020, la majorité d’entre elles exerçaient à temps plein, principalement dans le secteur libéral (46,9 %) ou hospitalier (38,8 %), avec une prédominance pour l’urologie de la femme (57,1 %). 

Cependant, les répondantes rapportaient des difficultés liées à leur genre : 59,2 % évoquaient des discriminations durant leur formation. La féminisation de l’urologie contribue à la diversification de la profession et enrichit sa dynamique interne. 

À noter : À l’échelle nationale, la médecine se féminise. Pour la première fois au 1er janvier 2025, les médecins femmes a dépassé les hommes (118 957 contre 118 257). 

Pénurie d’urologues et inégalités territoriales

L’urologie n’échappe à la problématique des sous effectifs et des déserts médicaux. La pénurie d’urologues résulte d’un ensemble de facteurs structurels et démographiques. 

  • Tout d’abord, la profession vieillit : l’âge moyen des praticiens est de 48,6 ans, avec une différence marquée entre les femmes (39,8 ans) et les hommes (49,7 ans). 
  • À cela s’ajoute une représentation féminine encore faible, bien qu’en progression, ce qui limite mécaniquement le renouvellement des effectifs. 
  • L’héritage du numerus clausus, qui a longtemps restreint l’accès aux études de médecine, continue également de peser sur les effectifs.
  • Enfin, le désintérêt croissant pour l’exercice en zone rurale, en raison de la charge de travail, de l’isolement et du manque d’infrastructures, contribue à concentrer les jeunes praticiens dans les grandes agglomérations.

L’ensemble de ces facteurs rend la spécialité particulièrement vulnérable face aux besoins croissants de la population.

Une situation inquiétante dans les déserts médicaux 

La répartition des urologues est hétérogène et marque de très fortes inégalités entre les territoires. Alors que l’Île-de-France concentrent environ 300 urologues, soit près de 20 % des effectifs nationaux, des régions entières comme le Centre-Val de Loire, la Bourgogne-Franche-Comté, le Grand Est, ou encore de nombreuses zones rurales isolées souffrent d’un manque de spécialistes. Certains départements sont même totalement dépourvus d’urologues

Cette inégale répartition géographique peut s’expliquer par :

  • Une concentration des professionnels dans les grandes agglomérations où les conditions d’exercice sont plus attractives.
  • Le vieillissement de la profession, avec un nombre important de départs à la retraite non compensés par l’arrivée de jeunes diplômés.
  • Une spécialité exigeante qui nécessite un plateau technique adapté, souvent absent dans les zones rurales.

Des délais d’attentes préoccupants pour les patients 

Cette situation contraint les patients à effectuer de longs déplacements pour consulter, ce qui allonge les délais d’attente et retarde les diagnostics d’affections parfois graves. En pratique, il faut souvent attendre entre 40 et 70 jours pour obtenir un rendez-vous et jusqu’à plus de 90 jours dans les zones les plus sous-dotées. Ces délais compromettent directement la rapidité du dépistage et la prise en charge des cancers urologiques, dont celui de la prostate. Cependant, c’est aussi le cas pour d’autres urgences médicales comme les coliques néphrétiques. Ce déficit d’accès aux soins contribue ainsi à creuser des écarts entre les territoires en matière de santé.

Les défis de l’urologie en France

Avec le vieillissement de la population, l’urologie en France doit inévitablement retrouver une attractivité. L’un des principaux défis est d’assurer un accès équitable aux soins urologiques pour tous. Il est donc nécessaire de trouver des solutions pour attirer les jeunes spécialistes dans les zones sous dotées. 

  • Attractivité de la spécialité : renforcer la visibilité de l’urologie auprès des étudiants et valoriser ses débouchés techniques (notamment la robotique chirurgicale).
  • Incitations à l’installation rurale : propositions financières, infrastructures dédiées, télémédecine pour pallier l’isolement.
  • Étendre le maillage territorial pour garantir un accès équitable au dépistage et aux soins, vital pour lutter efficacement contre les cancers masculins.
  • Téléconsultation et télémédecine ce qui permet d’optimiser le suivi régulier des patients isolés. 

L’urologie en France est confrontée à un paradoxe : les besoins augmentent avec le vieillissement de la population et la prévalence du cancer de la prostate, mais le nombre de spécialistes progresse trop lentement. La féminisation de la profession et l’innovation technologique ouvrent des perspectives, mais elles ne suffiront pas si les inégalités territoriales persistent.

Garantir un accès équitable à l’urologie, c’est plus qu’une question d’effectifs : c’est un enjeu majeur d’égalité devant la santé. L’avenir de la spécialité dépendra de la capacité collective à attirer de nouveaux praticiens, à mieux répartir les ressources et à exploiter les outils numériques.

Movember

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *