Santé mentale : cyberharcèlement et jeunes en souffrance
Le mal-être et les troubles psychiques ne concernent pas uniquement les adultes. En effet, les enfants et les adolescents sont également confrontés à leurs propres difficultés. Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), environ 10 à 20 % des jeunes dans le monde souffrent de troubles mentaux, dont une grande partie reste non diagnostiquée ou non prise en charge.
En France, les études révèlent une augmentation des troubles anxieux et dépressifs chez les adolescents et les jeunes adultes. En 2023, une enquête de Santé publique France indique que près de 25 % des 15-24 ans déclarent un état dépressif modéré à sévère, un taux en forte hausse depuis la crise sanitaire. Le suicide est également la deuxième cause de mortalité chez les 15-24 ans. La santé mentale des jeunes compte !
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Mal-être chez les jeunes : une réalité
Un nouveau « mal du siècle » psychologique émerge auprès des adolescents, parfois dès 10 ans : le harcèlement social. L’exclusion et le rejet d’un élève dans le milieu scolaire et/ou sur les réseaux sociaux entraînent un mal-être profond. Dans les cas les plus extrêmes, ces adolescents ont des idées suicidaires et peuvent passer à l’acte.
Les troubles psychiques chez les jeunes impactent leur vie scolaire, sociale et familiale. Difficultés de concentration, isolement, absentéisme, décrochage scolaire, voire comportements à risque (addictions, violence) sont autant de conséquences lourdes.
Les écrans ont une force qu’on ne peut ignorer : les réseaux sociaux amplifient la douleur des jeunes, qui subissent la pression de messages blessants ou insultants sans pouvoir y échapper. Ainsi, cette souffrance peut les poursuivre jour et nuit. Malheureusement, les adolescents et jeunes adultes sont souvent peu à demander de l’aide. L’isolement des jeunes, la stigmatisation, le manque d’informations et l’accessibilité limitée aux soins freinent leur recours aux professionnels de santé. Cette problématique est d’autant plus vraie dans les déserts médicaux.
Des chiffres alarmants
- Chez les 15‑24 ans, les pensées suicidaires ont doublé entre 2014 (5 %) et 2021 (11 %)
- Chez les 12‑25 ans, la prescription de psychotropes s’envole :
- + 60 % d’antidépresseurs,
- + 38 % d’antipsychotiques,
- + 8 % d’anxiolytiques,
- Près de 936 000 jeunes concernés en 2023
Ainsi, les hospitalisations pour tentative de suicide ou auto-agressions ont augmenté de 570 % depuis 2007 chez les jeunes filles.
Une situation difficile dans les déserts médicaux
En 2024, 23 % des enfants âgés de 6–18 ans ont déclaré avoir été confrontés au cyberharcèlement au moins une fois, selon une enquête menée par e‑Enfance et la Caisse d’Épargne. Ce taux varie selon le niveau scolaire :
- 20 % des élèves en primaire,
- 22 % des collégiens,
- 29 % des lycéens ont subi du cyberharcèlement
Environ 4,5 % des collégiens sont confrontés à des agressions répétées sur les réseaux sociaux ou par SMS, soit du harcèlement numérique strictement défini. Dans les zones rurales, la distance entre le domicile et l’établissement scolaire pousse de nombreux jeunes vers l’internat. Si cette solution leur évite des trajets épuisants mais renforce aussi leur isolement. Coupés du quotidien familial, ces adolescents ont moins d’occasions de partager leurs difficultés avec leurs parents ou un adulte de confiance en dehors de l’école.
En outre, dans les déserts médicaux, l’accès aux pédopsychiatres, psychologues ou centres médico-psychologiques est souvent limité. Par exemple, une étude de la Drees, en 2023, indique qu’en moyenne, une région sur trois en France souffre d’un déficit notable en professionnels de santé mentale pour enfants et adolescents. Ce manque rend l’accès aux soins difficile, avec des délais d’attente très longs, parfois plusieurs mois. Par conséquent, de nombreux jeunes ne bénéficient d’aucun suivi, ou voient leur situation s’aggraver avant une prise en charge.

Une prise en charge difficile dans les zones sous dotées
- En psychiatrie publique, plus de 30 % des postes sont vacants et 40 % des établissements ont au moins un quart de leurs postes non pourvus, selon la Fédération Hospitalière de France
- À l’hôpital, les zones rurales souffrent particulièrement : certains départements comptent zéro pédopsychiatre, et on recense seulement 600 pédopsychiatres pour 10 millions d’enfants de moins de 15 ans
- Le temps d’attente moyen pour un rendez-vous en centre médico-psycho-pédagogique (CMPP) atteint 18 mois, aggravant les pathologies
- Des enfants de moins de 15 ans sont renvoyés à domicile faute de place : en 2023, au CHU de Nantes, 123 jeunes non hospitalisés alors qu’ils en avaient besoin
>>> Lire l’article : Santé mentale et déserts psychiatriques
Le rôle clé des professionnels de santé
Dans ce contexte, les professionnels de santé ont un rôle central :
- Médecins généralistes : souvent premiers interlocuteurs, ils doivent être formés à détecter les signaux d’alerte, orienter rapidement vers des spécialistes, et assurer un suivi global.
- Psychologues et pédopsychiatres : spécialistes de la santé mentale des jeunes, ils apportent les diagnostics et les soins adaptés, psychothérapies ou accompagnements spécifiques.
- Infirmiers scolaires et travailleurs sociaux : sur le terrain, ils détectent les difficultés précoces et accompagnent les jeunes en lien avec les familles et l’école.
- Autres acteurs : associations, centres sociaux, dispositifs innovants (téléconsultations, bus santé, etc.) contribuent à pallier les manques en zones isolées.
L’amélioration de la formation des professionnels, le développement de la coordination entre acteurs et le recours aux nouvelles technologies sont des leviers essentiels pour réduire les inégalités d’accès aux soins.
Quelles solutions à mettre en place ?
Pour répondre à ces enjeux, plusieurs mesures sont à promouvoir :
- Renforcement de l’offre en santé mentale pédiatrique, notamment dans les zones sous-dotées, par l’augmentation des formations et des incitations à l’installation des spécialistes.
- Déploiement de dispositifs mobiles (bus santé mentale) et de la télémédecine pour faciliter l’accès aux consultations.
- Campagnes de sensibilisation auprès des jeunes pour lever les tabous, encourager la parole et informer sur les ressources disponibles.
- Coordination interprofessionnelle pour une prise en charge globale, incluant l’école, la famille, et les structures sociales.
Prévention en milieu scolaire
- Sensibilisation dès le primaire : programmes de prévention dans les établissements (comme le programme pHARe en France).
- Interventions en classe : ateliers animés par des associations spécialisées (ex. : e-Enfance, Génération Numérique).
- Formation des enseignants : pour repérer plus vite les signes de harcèlement ou de cyberharcèlement.
Applications d’aide :
- 3018 : numéro gratuit et anonyme pour signaler et se faire aider (géré par l’association e-Enfance).
- Fil Santé Jeunes : ligne d’écoute pour les jeunes (0800 235 236).
- Suppression rapide des contenus humiliants via signalement à la plateforme ou avec l’aide du 3018.
Il faut informer les adolescents de l’existence d’un cadre légal pour dénoncer le harcèlement partout en France.
- Le harcèlement scolaire, y compris en ligne, est reconnu comme un délit depuis 2022.
- L’auteur peut être poursuivi, même s’il est mineur.
- Plainte possible : pour cyberharcèlement, diffamation ou diffusion d’images sans consentement.
La pénurie de professionnels de santé et cyberhacèlement aggravent le défi majeur que représente la santé mentale des jeunes. Assurer un accès équitable aux soins, améliorer la détection précoce et soutenir les jeunes dans leur parcours est une urgence parentale et collective. De plus, le harcèlement en ligne ne doit jamais être ignoré. Grâce à la prévention à l’école, aux aides psychologiques, au soutien parental et aux lois renforcées, il est possible de protéger les jeunes et d’agir vite quand un cas se présente.
Seule une action coordonnée entre pouvoirs publics, professionnels et société civile permettra de préserver le bien-être mental des générations futures. Investir dans la santé mentale des jeunes, c’est aussi prévenir des inégalités sociales, éviter la marginalisation et construire une société plus résiliente.
>>> Lire l’article : Déserts médicaux : prise en charge et la prévention de la dyslexie