5 000 maisons france santé

Déserts médicaux : 5 000 maisons « France Santé » d’ici 2027

La lutte contre les déserts médicaux se poursuit. Ce 13 septembre, Sébastien Lecornu, nouvellement nommé Premier ministre, a annoncé la création d’un réseau de 5 000 maisons « France Santé », d’ici 2027. Une promesse forte pour celles et ceux qui vivent les inégalités d’accès aux soins. Ce projet ambitieux devrait permettre à chaque Français d’avoir accès à une offre de soins à moins de 30 minutes de chez lui. 

Cependant, cette annonce soulève aussi des interrogations. Bâtir des murs suffira-t-il à combler le manque médecins généralistes dans les déserts médicaux ? Ces maisons « France santé » atterriront-elles les jeunes médecins ? 

Pénurie de médecins en France : état des lieux 2025 et perspectives

Au 1er janvier 2025, la France comptait 237 000 médecins en activité, dont 100 000 généralistes. Depuis 2012, la profession a connu une hausse globale de près de 10 %, notamment grâce à l’arrivée de praticiens diplômés à l’étranger et à l’augmentation du numerus clausus. La profession s’est également rajeunie, avec un âge moyen de 49,9 ans, et féminisée. Les femmes représentent désormais 50 % des médecins contre 41 % en 2012.

Malgré cette progression, la situation reste contrastée. La répartition des médecins sur le territoire est très inégale et certaines spécialités sont sous tension. 6 à 7 millions de Français n’ont pas de médecin traitant. Selon certaines études, près de 87 % de la population vit dans un désert médical

Les projections de la DREES indiquent que la densité médicale devrait stagner jusqu’en 2027 avant d’augmenter progressivement. Toutefois, cela ne garantit pas une couverture homogène sur tout le territoire.

Une préférence pour l’exercice-mixte et le salariat 

Le mode d’exercice des médecins évolue. De plus en plus choisissent un exercice mixte, combinant activité libérale et salariée. Cette évolution reflète les nouvelles attentes professionnelles, en particulier chez les jeunes générations. En effet, les jeunes médecins sont en quête d’un meilleur équilibre entre vie personnelle et vie professionnelle, et d’un environnement de travail collaboratif. L’exercice mixte permet également une plus grande souplesse, une réduction de la charge administrative et une diversité des pratiques, en alternant cabinet, hôpital ou autres structures.

En 2022, lors de leur première inscription à l’un des tableaux de l’Ordre, les jeunes médecins continuent en majorité de faire le choix d’un exercice salarié dans un établissement de santé privé (lucratif ou non lucratif, cabinet médical, maison de santé, clinique…), ou celui de la médecine hospitalière.

De 2010 à 2025 :  

  • l’effectif des médecins libéraux a diminué de -4,7 %, 
  • l’effectif des médecins salariés a augmenté de +18,8 %,  
  • l’effectif des exercices mixtes a augmenté de +17,4 %.  

Le pari des maisons de santé : entre atouts et réalité

Le Premier ministre mise sur un modèle de proximité, collectif et mutualisé. Sur le papier, les maisons de santé ont beaucoup d’atouts : elles permettent à différents professionnels (infirmiers, sages-femmes, kinésithérapeutes, orthophonistes, dentistes…) de travailler ensemble, de partager leurs moyens, d’éviter l’isolement et de proposer un projet de santé global aux habitants. 

Aujourd’hui, la France compte environ 2 500 maisons de santé, organisées pour améliorer l’accès aux soins grâce à la coordination des professionnels. Pourtant, de nombreuses structures ont du mal à trouver des médecins, en particulier des généralistes. Chez DOCNDOC, nous le constatons régulièrement. Certains territoires offrent des locaux agréables, équipés, des loyers avantageux et des équipes déjà présentes, mais l’absence de médecin généraliste fragilise tout l’équilibre. Ce paradoxe nourrit un sentiment d’abandon des habitants, une détresse pour les élus locaux qui voient des investissements et des efforts sans solution concrète pour leurs soins du quotidien.

Le nombre exact de maisons de santé en recherche active de médecins n’est pas connu, mais ce défi reste majeur pour garantir leur efficacité.

Et si on s’attaquait vraiment à l’attractivité des territoires ? 

Et si le cœur du problème est l’attractivité des zones rurales ? Ce n’est pas nouveau, les zones rurales subissent une désertification globale. Les jeunes médecins sont réticents à s’installer en campagne. Une enquête de la MACSF révèle que 64 % des médecins accepteraient de travailler ponctuellement dans un désert médical… mais seulement 36 % des jeunes médecins. Les maisons de santé offrent un cadre collectif, mais sans réseau médical déjà présent, soutien administratif et qualité de vie, elles ne suffisent pas. L’installation d’un médecin est un projet de vie global. Une structure en elle-même ne peut prétendre à séduire un professionnel de santé pour une installation définitive. 

Reconstruire un tissu médical dans les déserts médicaux 

Au fond, l’enjeu n’est pas seulement les structures. Il s’agit aussi de reconstruire un tissu médical vivant dans les zones rurales :

  • Faciliter l’installation des jeunes médecins (accompagnement administratif, primes, logement, intégration des conjoints) ;
  • Encourager dès l’internat la découverte de l’exercice en milieu rural 
  • Renforcer l’attractivité de l’exercice libéral ou mixte dans ces territoires ;
  • Développer les réseaux entre généralistes et spécialistes pour éviter l’isolement ;
  • Valoriser la coopération avec les autres professionnels de santé déjà présents.

Et si la vraie priorité n’était pas de construire 5 000 maisons « France Santé », mais de redonner envie aux médecins de s’installer dans les zones où les besoins sont les plus criants ? Revaloriser les territoires, les rendre attractifs, offrir un environnement professionnel et de vie digne de ce nom…

Sans tissu médical vivant, sans réseau solide et sans attractivité réelle pour les jeunes praticiens, ne risque-t-on pas de se retrouver avec des « coquilles vides » ?

Derrière cette annonce se dessine le débat sensible de la liberté d’installation des médecins. Le projet de loi en discussion pourrait bien être le révélateur de la faisabilité, ou non, de cette promesse ambitieuse.

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