Santé des jeunes : vapotage et ados en danger
Le vapotage séduit de plus en plus d’adolescents et de jeunes adultes. Présentée comme une alternative “plus saine” à la cigarette, la e-cigarette s’affiche comme tendance et moderne. Pourtant, derrière cette image « cool », les risques s’accumulent : dépendance à la nicotine, troubles respiratoires, impact sur la santé mentale, sans oublier l’effet passerelle vers le tabac, l’alcool ou le cannabis.
Alors que le tabac recule, le vapotage s’installe comme une nouvelle porte d’entrée dans l’addiction. De quoi inquiéter sérieusement les professionnels de santé. Sommes-nous en train de créer une génération dépendante à la nicotine ? Et si, désormais, la prévention devait viser autant la cigarette électronique que la cigarette classique ?

Vapoter n’est pas une « trend », c’est banal !
Chez les adolescents et les jeunes adultes, les « trends » se succèdent sur les réseaux sociaux. Mais le vapotage n’est pas une mode passagère : la pratique s’est banalisée et connaît un succès croissant.
Selon l’OFDT*, plus d’un adolescent de 17 ans sur deux a déjà expérimenté la cigarette électronique (56,9 % en 2022), et 6,2 % en font un usage quotidien, un chiffre qui a triplé depuis 2014. Près de 20 % des collégiens et 44 % des lycéens ont déjà vapoté, avec respectivement 10 % et 24,2 % d’usagers récents. Chez les lycéens, 3,8 % déclarent vapoter tous les jours, tandis que chez les apprentis, la proportion de vapoteurs quotidiens grimpe à 13,6 %, contre 5,6 % dans les filières générales et technologiques. À l’échelle européenne, 22 % des adolescents de 15-16 ans déclaraient avoir vapoté au cours du mois en 2024.
Si le tabagisme recule chez les jeunes (15,6 % de fumeurs quotidiens à 17 ans en 2022, contre 25,1 % en 2017), la e-cigarette s’impose comme une nouvelle porte d’entrée vers la nicotine et l’addiction. Selon l’OMS, entre 5,5 % et 41 % des 15-16 ans consomment aujourd’hui des cigarettes électroniques en Europe.
>>> Lire l’article : Stop tabac – journée sans tabac
Pourquoi les jeunes aiment vapoter ?
Les jeunes sont attirés par le vapotage pour plusieurs raisons, souvent exploitées par l’industrie :
- Facilité et discrétion : les cigarettes électroniques à capsules sont simples à utiliser et se glissent facilement dans une poche.
- Arômes attractifs : sucrés et fruités, les arômes évoquent des bonbons plus qu’un produit nicotiné.
- Marketing ciblé : campagnes sur les réseaux sociaux directement adressées aux adolescents.
- Anciennement les puffs : cigarettes électroniques jetables, colorées, peu chères, parfumées et prêtes à l’emploi.
Face à ce succès, la France a pris des mesures fortes. Depuis le 25 février 2025, la vente, la distribution et l’offre gratuite de puffs sont interdites. Cette interdiction vise à limiter l’exposition des adolescents à la nicotine et à réduire le risque de dépendance précoce.
La santé des jeunes menacée par la e-cigarette
Le vapotage touche une population vulnérable dont le cerveau est encore en développement et sensible à la nicotine. Les risques liés au vapotage sont multiples :
Effet passerelle vers le tabac
- Les jeunes qui vapotent ont environ trois fois plus de risques de commencer à fumer la cigarette classique.
Effets respiratoires
- Risque accru d’asthme : +20 à +36 % de diagnostic ou aggravation.
- Plus de toux chronique, bronchites.
Effets sur la santé mentale
- Lié à des idées suicidaires ou tentatives de suicide.
- Augmentation du risque de troubles psychiatriques : anxiété, dépression.
Autres risques physiques / toxicité
- Les e-liquides contiennent nicotine, métaux lourds, particules ultrafines.
- Exposition passive : irritations, toux.
- Dans certains cas : dommages bucco-dentaires, effets sur la reproduction masculine, complications cardiaques.
« Pète ton crâne » (PTC) : la nouvelle drogue des ados
Le PTC, ou Buddha Blue, est un cannabinoïde de synthèse consommée dans les e-cigarettes. Ses effets sont violents et dangereux :
- Neurologiques : malaises, pertes de connaissance, convulsions.
- Psychiatriques : épisodes délirants, hallucinations, idées suicidaires.
- Cardiovasculaires : tachycardie, douleurs thoraciques.
- Digestifs : nausées, vomissements, douleurs abdominales.
- Rénaux : complications sérieuses possibles.
Vendus illégalement, ces produits inquiètent les autorités, notamment dans les zones rurales et autour des établissements scolaires.
En décembre 2024, deux lycéens ont été hospitalisés en région parisienne après avoir vapoté cette substance psychoactive. Des centaines de cas d’intoxication ont été signalés ces dernières années.
La pratique du « Do It Yourself » (DIY) consistant à créer ses propres mélanges d’e-liquides est aussi très inquiétante. Les mélanges artisanaux peuvent contenir des substances dangereuses et augmentent considérablement les risques d’intoxication et de complications.
L’impact sur les politiques publiques
Face à la montée du vapotage chez les jeunes, les autorités ont adapté la réglementation :
- Interdiction de vente et distribution des puffs, ainsi que la publicité ciblant les mineurs.
- Incitation des écoles et collectivités à sensibiliser les adolescents et promouvoir la prévention.
Cependant, des zones d’ombres existent. Les jeunes peuvent se fournir sur internet ou au marché noir, les arômes sont de plus en plus attractifs, le suivi médical des jeunes vapoteurs est insuffisant. Des propositions incluent le renforcement du contrôle de la vente en ligne, l’interdiction de certains arômes et le développement d’actions éducatives systématiques dans les collèges et lycées.
Checklist pour repérer un problème et agir
Parents et adolescents doivent savoir repérer les signes :
- Usage régulier ou quotidien de la e-cigarette
- Irritabilité ou nervosité lorsqu’on limite l’accès
- Budget inhabituel consacré aux e-liquides ou puffs
- Isolement ou dissimulation
Quelles actions possibles ?
Comme toute dépendance, il est nécessaire de pouvoir en parler ouvertement, fixer des règles claires, consulter un professionnel en addictologie. Des structures comme les consultations jeunes consommateurs, les centres de soins en addictologie ou Tabac Info Service (39 89) offrent un accompagnement adapté.
Initiatives territoriales de prévention
Face à la progression du vapotage chez les jeunes, les collectivités territoriales s’engagent activement dans la prévention. Les départements interviennent directement dans les collèges pour informer les adolescents sur les dangers du vapotage et des substances addictives. Au-delà de ces actions, certaines agglomérations mettent en place des campagnes de sensibilisation spécifiques, à l’image de la Communauté d’Agglomération Meuse Grand Sud. Cette collectivité a ainsi lancé une campagne sur le PTC (Pète Ton Crâne), dont l’usage s’est répandu sur le territoire.
La sensibilisation est particulièrement importante dans les déserts médicaux, où l’accès aux soins est limité et où les messages de prévention peinent à atteindre le jeune public. Ces initiatives locales viennent compléter les actions nationales et s’adaptent aux réalités spécifiques de chaque territoire.
Prévention tabac vs prévention vapotage : où en est-on ?
La prévention contre le tabac bénéficie d’une stratégie nationale structurée : campagnes régulières, interventions scolaires, encadrement strict de la publicité et suivi médical. En revanche, la prévention autour du vapotage reste moins développée et moins homogène. Les campagnes sont souvent ponctuelles et dépendent d’initiatives locales ou associatives. En pratique, les jeunes reçoivent donc moins d’informations claires sur les risques du vapotage que sur ceux du tabac, laissant un vide qui favorise l’accès et la dépendance à la nicotine.
Le vapotage est une nouvelle porte d’entrée vers la dépendance à la nicotine. La prévention doit désormais viser autant la cigarette électronique que le tabac, avec des actions coordonnées, un suivi adapté et un dialogue ouvert avec les jeunes. Sans cela, une génération dépendante se profile.
*ODFT : Observatoire français des drogues et des tendances addictives