Santé masculine : tabou et déserts médicaux

Depuis plusieurs années, la campagne Movember met en lumière la santé masculine. Elle interpelle les hommes sur l’importance du dépistage des cancers de la prostate, des testicules, et sur la prise en compte de la santé mentale. En France, le cancer de la prostate reste le plus fréquent chez les hommes, avec près de 57 000 nouveaux cas par an. Selon l’OMS, environ 60 hommes se suicident chaque heure dans le monde, soit près de 500 000 par an.

De manière générale, les hommes sont moins enclins que les femmes à consulter un médecin. Dans les déserts médicaux, cette réticence s’ajoute au manque d’accès aux soins. Par conséquent, on observe des diagnostics de cancers tardifs, des souffrances invisibles, et des inégalités territoriales qui se creusent.

Pourquoi les hommes consultent-ils si peu ?

Les hommes et les femmes n’ont pas le même rapport à la santé. D’après une enquête de la DREES, les hommes consultent en moyenne 3,5 fois par an, contre 5,2 fois pour les femmes. En 2019, 80 % des hommes avaient vu un médecin généraliste dans l’année, contre 88 % des femmes. L’écart est encore plus marqué chez les spécialistes : 42 % des hommes consultent chaque année, contre 53 % des femmes.

Autrement dit, les hommes vont moins souvent chez le médecin, et lorsqu’ils le font, c’est souvent trop tard.

Un rapport culturel et social à la santé

La médecine préventive reste perçue comme une préoccupation féminine : grossesse, suivi gynécologique, pédiatrie. Beaucoup d’hommes associent encore la consultation à un signe de faiblesse, contraire à une certaine idée de la virilité. Les sujets intimes (prostate, testicules, santé mentale) sont tabous. Garder le silence par peur ou honte, minimiser les symptômes ou les ignorer peut pourtant avoir des conséquences désastreuses.

On constate que les hommes ont une approche réactive plutôt que préventive. En France, les hommes vivent en moyenne 6 ans de moins que les femmes (79,3 ans contre 85,6 ans – Insee). Cette différence s’explique par des comportements à risque (alcool, tabac, accidents), mais aussi par un suivi médical moins régulier.

Santé masculine et déserts médicaux : une bombe à retardement

La santé masculine s’avère plus fragile en zone rurale, largement touchée par la pénurie de soignants. Dans les déserts médicaux, les cancers sont souvent diagnostiqués à un stade avancé. Obtenir un rendez-vous chez un urologue peut prendre plusieurs mois, et pour un suivi psychologique ou psychiatrique, les délais explosent, allant parfois jusqu’à un an.

D’après une étude sur les conditions d’exercice médical en milieu rural, 37 % des professionnels exerçant en désert médical rapportent des délais d’attente d’au moins un mois pour obtenir un rendez-vous, et 83 % ont constaté des reports ou retards de soins.

Chaque année, 1,6 million de Français renoncent à se soigner, et 11 % des adultes n’ont pas de médecin traitant. Ces retards aggravent le pronostic des patients.

Suicides en zone rurale : une réalité alarmante

En France, les hommes représentent près de 75 % des décès par suicide. Selon l’Observatoire national du suicide, les hommes vivant en zone rurale présentent un risque de suicide supérieur de 20 à 30 % à la moyenne nationale. Les agriculteurs et éleveurs sont particulièrement concernés par le suicide.

En 2016, la MSA (Mutualité sociale agricole) a recensé 529 suicides d’agriculteurs, soit près d’1,5 par jour. Statiquement, les agriculteurs de 15 à 65 ans ont un risque de se suicider 30 % supérieur aux autres catégories professionnelles. Plus les agriculteurs sont âgés, plus le risques est important. Les agriculteurs de 65 ans et plus ont statistiquement un risque 63,5% supérieur de se suicider que dans l’ensemble de la population.

Les causes sont multifactorielles. Isolement, endettement, surcharge de travail, pression économique et manque de reconnaissance, combinés à la difficulté d’accès à un suivi psychologique forment un terrain propice à la souffrance silencieuse.

Quelles pistes pour accompagner la santé masculine ?

Pour améliorer la santé masculine dans les territoires sous-dotés, plusieurs leviers existent :

  • Téléconsultation et télémédecine : utile pour le suivi en oncologie urologique et pour la prise en charge psychologique.
  • Rôle central du médecin généraliste, clé de voûte du parcours de soin, pour sensibiliser et orienter, surtout quand l’accès aux spécialistes est limité.
  • Campagnes locales adaptées : intégrer Movember dans les mairies, clubs sportifs, marchés, pour toucher directement les hommes des zones rurales.
  • Dispositifs itinérants : bus santé, dépistages mobiles, qui permettent d’aller vers les habitants.

La campagne de sensibilisation à la santé masculine, Movember prend tout son sens. Le mouvement cherche à lever les tabous, à briser le silence et à normaliser l’idée que prendre soin de sa santé, en tant qu’homme, n’est pas un aveu de faiblesse, mais une responsabilité et un respect de soi.

Cependant, tant que des millions d’hommes resteront éloignés des soins, géographiquement, culturellement ou psychologiquement, le combat pour une meilleure santé masculine ne sera pas gagné. Prendre soin de sa santé ne doit pas être une question de genre ou de territoire.

Movember

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