Paroles de sages-femmes : Anthony, sage-femme homme hospitalier
Selon les chiffres de DREES et Staff Santé, les hommes ne représentent que 2,8 %, soit 647, des 23 134 sages-femmes qui exercent en France en 2020.
Maieutiko s’est entretenu avec Anthony, « sage-femme homme » à Tourcoing, sur les raisons pour lesquelles il a choisi de suivre le parcours de sage-femme et sur ce qu’il aime dans ce métier.
Bon à savoir : Le terme “sage-femme” désigne la personne qui « a la connaissance de la femme »
Qu’est-ce qui vous a attiré vers la profession de sage-femme ?
Depuis tout petit, je voulais faire médecin généraliste. À la fin du lycée, quand j’ai vu que le cursus en PACES de médecine et maïeutique était similaire (dans les UE spécifique à choisir au deuxième semestre), je me suis dit « pourquoi pas ? » Et à l’issue de cette année, j’ai été pris en sage-femme, mais pas en médecine. C’est à ce moment là que j’ai vraiment découvert le métier de sage-femme et ses multiples facettes.
Depuis combien de temps exercez-vous ? Où exercez-vous ?
Je suis diplômé depuis juin 2019. Et depuis, je travaille à la maternité du centre hospitalier de Tourcoing dans les Hauts-de-France.
À l’avenir : envisagez-vous une installation seul, ou préféreriez-vous un exercice de groupe avec d’autres sages-femmes / d’autres professionnels de santé ?
À l’avenir, je pense exercer en libéral, mais vraiment en milieu, voire fin de carrière. Je pense que l’exercice hospitalier a encore beaucoup à m’apprendre, même si j’adore les consultations prénatales et gynécologiques, car elles sont un moment de partage, de prévention. Par ailleurs, elles permettent un suivi global, ce qui créée une relation de confiance gratifiante.
Les sages-femmes de sexe masculin représentent moins de 3 % de la profession. Quelle a été la réaction de votre entourage lorsque vous leur avez annoncé que vous vouliez devenir sage-femme ?
Quand j’ai commencé mes études à l’école de sage-femme, mes proches étaient assez partagés… Certains trouvaient que ça me correspondait bien, d’autres pensaient que j’avais choisi cela par dépit. D’ailleurs, c’est toujours étonnant quand, pendant nos études, on nous demande « Ça va tu regrettes pas de ne pas avoir pris médecine ? » alors qu’on ne demande pas aux étudiants en médecine « Ça va tu regrettes pas de pas avoir pris sage-femme ? »
Comment se passe le travail dans la profession en tant qu’homme, et quels défis cela entraîne-t-il ?
On pourrait penser qu’en étant un homme travaillant essentiellement avec des femmes, on aurait tendance à être « chouchouté » (comme on me l’a souvent dit). Eh bien pas vraiment en fait ! On est comme une autre sage-femme. Par contre, en étant étudiant, j’ai ressenti plusieurs fois que je devais me donner plus que mes collègues, comme si je devais prouver quelque chose. Et je me souviendrai longtemps de cette sage-femme qui m’a dit « Les garçons en sage-femme, soit ils sont bien, soit ils sont très mauvais ! » J’espère être dans la première catégorie !
Par rapport aux patientes (je n’aime pas vraiment ce terme, elles ne sont pas malades les femmes enceintes !), tout dépend. Certaines ne font pas de différences, d’autres sont étonnées, d’autres sont réticentes. Quand c’est possible et qu’elles ne veulent pas d’homme, on essaie de s’arranger avec mes collègues. Quand ce n’est pas possible, on discute, et, dans l’ensemble, tout se passe bien.
Certaines disent que les hommes sages-femmes sont plus doux. Je ne saurais pas vous le confirmer, je ne pense pas qu’il faille faire des comparaisons, ça ne ferait qu’entretenir le clivage entre les hommes et les femmes sages-femmes. Je suis juste le sage-femme que je voulais être quand j’étais étudiant, et je suis serein avec ça.
En quoi consiste votre travail de sage-femme et quelle est votre approche de la profession ?
Être sage-femme, c’est surtout de l’accompagnement d’abord, et c’est pour ça que j’aime ce métier. La technique, tout le monde peut l’acquérir avec de l’entraînement. L’accompagnement (que ce soit pour de la préparation à la naissance, des consultations prénatales ou gynécologiques, l’accouchement ou le post-partum), c’est avant tout une construction de nous-même qui est influencée par ce qu’on voit dans nos études (ce que l’on trouve bien, ou pas bien), notre personnalité… Tout passe par la communication, sous toutes ses formes. Un sourire et des paroles rassurantes me sortent de beaucoup de situations périlleuses !
Pour en revenir sur la question en général, je travaille essentiellement en salle de naissance, où j’assure avec une collègue les urgences obstétricales. Je suis également les dames en travail, leur apporte les soins nécessaires, je les accompagne pour la naissance de leur enfant. Je m’occupe également d’accueillir et de prendre en charge les patientes présentant des pathologies de la grossesse avec une collègue gynécologue. Cela demande une expertise et des connaissances importantes (pas assez reconnues !).
Quels sont, selon vous, les avantages pour une femme à être suivie par une sage-femme plutôt qu’une gynécologue ?
Les avantages à être suivi par une sage-femme : plus de disponibilités (nos amis les gynécologues ont parfois un délai d’attente assez long), un suivi global (on peut s’occuper du suivi, gynécologique et obstétrical (biologique et échographique), de la PNP (Préparation à la naissance et à la parenté), et pour celles qui travaillent en maison de naissances/plateau technique, de l’accouchement).
En somme, pour une femme en bonne santé, elle peut être suivie tout au long de sa vie par une sage femme sur le plan gynécologique !
Quelles sont les principales caractéristiques d’une bonne sage-femme ?
La bonne sage-femme, c’est la sage-femme qui est passionnée par son travail. On ne peut pas être sage-femme sans aimer son travail, sinon ça s’en ressent à toutes les échelles. La bonne sage-femme, c’est un.e féministe qui lutte pour les droits des femmes. Féministe et sage-femme sont pour moi indissociables.
Qu’est-ce que vous aimez le plus dans votre travail ?
Ce que j’aime le plus dans mon travail (je me répète), c’est l’accompagnement. Et également le fait qu’on en apprend tous les jours. Chaque sage-femme a ses petites techniques. C’est également un métier fascinant qui se construit sur une représentation de la naissance, et ce, dans toutes les cultures du monde entier. J’aime beaucoup découvrir les différentes traditions autour de la naissance dans le monde.
Une anecdote marquante à nous raconter sur votre exercice ?
Je me souviens notamment de cette dame que j’ai re-croisée par hasard pendant mon stage en libéral, et qui m’a dit « Je me souviens de vous ! Vous étiez en stage en suites de naissances et vous m’avez donnez des conseils sur l’allaitement maternel quand j’étais en difficulté ! Vous avez sauvé mon allaitement ! » Ca m’a tellement touché, et j’ai su que c’était pour des moments comme ça que j’étais sage-femme.
Avez-vous ressenti un plus grand soutien entre sages-femmes depuis le début de la crise du Covid ?
Les sages femmes sont très présentes depuis la crise du COVID. On a réorganisé nos services, les consultations pour accueillir les mamans en toute sécurité. Le grand défi de la crise COVID, pour moi, est de continuer à offrir aux femmes un suivi et un accouchement dans le respect.
Nous y travaillons tous les jours, et nous nous sommes organisés pour que les femmes n’aient pas à accoucher avec un masque par exemple…
Quels sont les plus grands défis auxquels la profession est confrontée et à quoi ressemble l’avenir de la profession, selon vous ?
Ce n’est pas parce que je suis passionné par mon métier que je n’en remarque pas ses failles. Manque de reconnaissance, méconnaissance du grand public de nos compétences, manque de moyens et d’effectifs… Les sages-femmes exercent aujourd’hui dans des conditions difficiles. On leur rajoute des responsabilités, sans reconnaissance, sans revalorisation salariale. Je pense qu’il faudrait déjà informer le grand public sur tout ce qu’on peut faire, et les réseaux sociaux peuvent s’avérer très efficace pour cela !
Découvrez aussi le témoignage de Véronique, sage-femme libérale dans le département de la Seine-Saint-Denis.